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prouvez l’existence de l’amour par le mariage ; mais de nos jours le mariage n’est qu’un mensonge !

— Non, pardon, dit l’avocat, je dis seulement que les mariages ont existé et existent.

— Existent ! Mais comment et pourquoi existent-ils ? Ils ont existé et existent pour des gens qui ont vu et voient dans le mariage quelque chose de sacramentel, un sacrement qui engage devant Dieu. Pour ceux-là ils existent, et pour nous, non. Chez nous les hommes se marient ne voyant dans le mariage que l’accouplement, et il en résulte une tromperie ou une violence. Quand c’est une tromperie on la supporte facilement. Le mari et la femme trompent seulement le monde en se donnant comme monogames, en réalité, ils sont polygames et polyandres. C’est mauvais, mais cela va encore. Mais lorsque, comme il arrive souvent, le mari et la femme ont pris l’obligation de vivre ensemble toute leur vie et que, dès le second mois, ils se haïssent déjà l’un l’autre, ont déjà le désir de se séparer, et vivent quand même ensemble, alors commence cette existence infernale, où l’on s’alcoolise, où l’on se tire des coups de revolver, où l’on s’assassine, où l’on s’empoisonne, dit-il, parlant de plus en plus rapidement, ne laissant à personne le temps de placer un mot, et s’animant de plus en plus.

Tous se taisaient ; tous se sentaient mal à l’aise.