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L’idée des souffrances d’un homme qu’il avait si intimement connu, d’abord enfant, puis collégien, puis son partenaire aux cartes, impressionna soudain Piotr Ivanovitch, malgré la conscience désagréable de son hypocrisie et de celle de cette femme. Il revit ce front, ce nez qui retombait sur la lèvre, et il eut peur pour lui-même.

« Trois jours et trois nuits de souffrances atroces, et la mort ! Mais cela peut m’arriver tout de suite, à chaque instant, à moi aussi ! » pensa-t-il. Et, pour un moment, il eut peur. Mais aussitôt, sans trop savoir comment, l’idée lui revint que tout ceci était arrivé à Ivan Ilitch et non pas à lui, et qu’à lui-même cela ne devait et ne pouvait arriver ; qu’il avait tort de se laisser aller à des idées noires, au lieu de suivre l’exemple de Schwartz. Ces réflexions rassurèrent Piotr Ivanovitch. Il s’enquit avec intérêt des détails touchant la mort d’Ivan Ilitch, comme si la mort était un accident spécial à Ivan Ilitch, mais qui ne l’atteignait nullement lui-même.

Après avoir raconté avec force détails les souffrances physiques vraiment affreuses supportées par Ivan Ilitch (les détails de ces souffrances, Piotr Ivanovitch ne les connut qu’autant quelles avaient affecté les nerfs de Prascovie Fédorovna), elle jugea le moment venu de parler affaires.

— Ah ! Piotr Ivanovitch, comme c’est douloureux, terriblement douloureux !