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qu’il regarde comme sa sœur, jusqu’à ce qu’il soit convaincu qu’elle n’est pas sa sœur ; de même un chrétien se garde d’entretenir un sentiment semblable pour une femme jusqu’à ce qu’il soit persuadé que son amour pour elle n’occasionnera de souffrance à personne.

— Mais si deux hommes aiment la même femme ?

— Alors l’un d’eux sacrifie son sentiment pour le bonheur de l’autre.

— Et si la femme aime l’un des deux ?

— Alors, celui qu’elle aime le moins sacrifiera son amour pour le bonheur de la jeune fille.

— Mais si elle les aime tous les deux, et que tous les deux désirent faire le sacrifice de leur affection, elle n’épousera ni l’un ni l’autre ?

— Un tel cas serait examiné consciencieusement par les anciens, qui indiqueraient aux intéressés ce qui leur paraîtrait le plus propre à donner à chacun le plus de bonheur possible.

— Mais on ne procède pas ordinairement ainsi. C’est contraire à la nature humaine.

— Contraire à la nature humaine ? Quelle nature humaine ? L’homme, tout en étant un animal, est pourtant un homme, et si les relations avec la femme approuvées par la religion chrétienne ne s’harmonisent pas avec la nature animale de l’homme, elles s’accordent parfaitement avec sa nature raisonnable. Lorsque l’homme met sa rai-