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le distribuait à chacun selon qu’il en avait besoin. »

À cette époque vivait à Tarse, dans la province de Cilicie, un riche marchand de pierres précieuses, un Syrien nommé Juvénal. Il était de très humble extraction, mais par son travail et son habileté il était devenu très riche et s’était acquis le respect de ses concitoyens. Il avait beaucoup voyagé en divers pays et, sans être un savant, il avait vu et avait retenu bien des choses ; et ses compatriotes le tenaient en haute estime pour son intelligence et son équité. Il professait, comme tous les citoyens notables de l’Empire, la religion de Rome païenne, dont les formes et les cérémonies étaient rigoureusement imposées depuis l’empereur Auguste, et qu’observait strictement l’empereur actuel, Trajan. La province de Cilicie était loin de Rome, mais elle était administrée par un gouverneur romain, et tout ce qui se faisait à Rome se faisait également en Cilicie, les gouverneurs tenant à imiter leur empereur.

Juvénal se rappelait les histoires qu’il avait entendues dans son enfance sur la vie de Néron à Rome ; par la suite il avait remarqué que chaque empereur, l’un après l’autre, était mort de mort violente, et, en observateur sagace, il s’était rendu compte qu’il n’y avait rien de sacré dans la religion romaine, et que tout cela était l’œuvre des hommes. La folie de toute la vie ambiante, surtout ce qui se passait à Rome, où il se rendait pour ses affaires,