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l’avait vu ; mais, comme il arrive avec tous les morts, son visage était plus beau et surtout plus majestueux que de son vivant. Son visage portait l’expression du devoir accompli et bien accompli. En outre, on y lisait une sorte de reproche ou d’avertissement à l’adresse des vivants. Cet avertissement sembla déplacé à Piotr Ivanovitch, du moins sans raison d’être vis-à-vis de lui. Mais, soudain, il se sentit gêné. Alors, faisant vivement un nouveau signe de croix, il s’empressa, contre toute convenance, de gagner la porte. Schwartz l’attendait dans la pièce voisine, les pieds largement écartés, jouant avec son chapeau haut de forme qu’il tenait derrière son dos. Un seul regard sur la personne élégante, soignée, réjouie de Schwartz le rafraîchit aussitôt. Piotr Ivanovitch comprit que Schwartz était au-dessus de tout cela et ne se laissait pas impressionner par ce triste spectacle. Toute sa personne paraissait dire : le service religieux sur la tombe d’Ivan Ilitch n’est pas un motif valable pour remettre l’audience, c’est-à-dire, il ne peut nous empêcher, ce soir même, de faire claquer, en le décachetant, le jeu de cartes, pendant que le valet posera quatre bougies entières sur la table ; en somme, il n’y a aucune raison de penser que cet incident puisse nous empêcher de passer agréablement cette soirée. C’est d’ailleurs ce qu’il communiqua à voix basse à Piotr Ivanovitch, lorsqu’il passa devant lui, en lui proposant de se réunir, ce