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— Je t’en prie, fais enfermer tes affreux chiens, ils ont failli dévorer le pauvre Gricha, quand il est entré dans la cour. Ils pourraient se jeter aussi sur les enfants.

Entendant qu’on parlait de lui, Gricha se tourna vers la table, montra ses vêtements tout déchirés et en mâchant, il prononça :

— Voulait faire mordre… Dieu pas permis. C’est un péché chasser avec les chiens, grand péché ! Ne frappe pas Bolshak[1]… pourquoi battre ? Dieu pardonnera… les jours ne sont pas tels.

— Que dit-il ? — demanda papa en le regardant fixement et avec sévérité. — Je ne comprends rien.

— Moi je comprends — répondit maman — il m’a raconté qu’un chasseur a lâché sur lui, exprès, ses chiens, alors il te dit : « Voulait faire mordre, mais Dieu n’a pas permis », et il te demande de ne pas punir le chasseur pour cela.

— Ah ! voilà ! — dit papa. — Pourquoi sait-il que je veux punir ce chasseur ? Tu sais — continua-t-il en français — qu’en général je ne suis pas un grand admirateur de ces personnages, mais celui-ci me déplaît particulièrement, et il doit être…

— Ah ! ne dis pas cela, mon ami — l’interrompit maman, comme effrayée par quelque chose. — Qu’en sais-tu ?

  1. Bolshak (ancien). Il appelait ainsi tous les hommes, sans distinction. — (Note de l’auteur.)