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sonne ne le connut autrement, qu’il venait de temps en temps chez ma grand’mère, et que les uns disaient de Gricha qu’il était un malheureux fils de riche famille et une âme pure, et les autres que ce n’était qu’un simple moujik et un fainéant.

Foka parut enfin, l’exact Foka, attendu depuis longtemps avec tant d’impatience, et nous descendîmes. Gricha nous suivit, toujours sanglotant et débitant des extravagances, et frappant de son gourdin les marches de l’escalier. Papa et maman se promenaient dans le salon, bras dessus, bras dessous, et causaient de quelque chose. Maria Ivanovna, l’air digne, était assise dans un fauteuil placé symétriquement, à angle droit du divan ; d’une voix sévère mais contenue, elle faisait des observations aux fillettes assises près d’elle.

Dès que Karl Ivanovitch entra, elle lui lança un coup d’œil, se retourna aussitôt en faisant une figure qui voulait dire : « Je vous ignore, Karl Ivanovitch ». On voyait, aux yeux des fillettes, qu’elles désiraient vivement nous communiquer le plus vite possible une grande nouvelle, mais quitter leur place et s’approcher de nous serait enfreindre la règle de Mimi. Tout d’abord, nous devions nous approcher d’elle, dire bonjour Mimi, faire la révérence, et ensuite il était permis d’entrer en conversation.

Était-elle assez insupportable, cette Mimi ! On ne pouvait rien dire devant elle, elle trouvait tout