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rus par le grand escalier conduisant à la rue. Voulais-je fuir de la maison ou me noyer, je ne me le rappelle pas. Je sais seulement, qu’en cachant mon visage dans mes mains, pour ne voir personne, je m’avançais de plus en plus par l’escalier.

— Où vas-tu ? — me demanda subitement une voix connue. — J’ai précisément besoin de toi, mon cher.

Je voulus fuir en avant, mais papa m’attrapa par la main et me dit sévèrement :

— Viens avec moi, mon cher ! Comment as-tu osé toucher le portefeuille dans le cabinet ? — et il m’entraîna derrière lui dans le petit divan. — Hein ! pourquoi gardes-tu le silence ? Hein ? — ajouta-t-il en me prenant l’oreille.

— Pardon, — dis-je, — je ne sais moi-même ce qui m’a pris en ce moment.

— Ah ! Ah ! tu ne sais pas ce qui t’a pris, tu ne le sais pas, tu ne le sais pas ! — répétait-il en me tirant l’oreille à chaque mot. — Mettras-tu encore ton nez où il ne faut pas ? Le mettras-tu ?

Malgré le mal affreux que je sentais à l’oreille, je ne pleurais pas, mais j’éprouvais un sentiment moral, agréable. Dès que papa lâcha mon oreille, je pris sa main et la couvris de larmes et de baisers.

— Bats-moi encore, — dis-je, derrière les larmes, — plus fort, plus fort, je suis lâche, odieux, je suis un homme malheureux !