Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proviste dans le portefeuille de papa ne me laissèrent aucune conception nette, sauf la conscience amère d’avoir mal agi. J’avais honte et me sentais mal à l’aise.

Sous l’influence de ce sentiment, je voulus refermer au plus vite le portefeuille, mais évidemment il m’était réservé d’éprouver en ce jour mémorable, le plus de malheurs possibles.

Ayant introduit la petite clef dans le trou de cette serrure, je la tournai du mauvais côté, et croyant la serrure fermée je tirai la clef et — ô horreur ! — dans mes mains, il ne resta qu’un morceau de la petite clef. En vain m’efforçai-je de l’unir avec la moitié qui restait dans le cadenas, et, par un sortilège quelconque, de la sortir du dedans, il fallut enfin se faire à l’horrible pensée que j’avais commis un nouveau crime, qui aujourd’hui même, au retour de papa dans le cabinet de travail, serait découvert.

La plainte de Mimi, le un, et la petite clef ! Rien ne pouvait m’arriver de pire. Grand’mère pour la plainte de Mimi, Saint-Jérôme pour le un et papa pour la petite clef… et tout cela tombera sur moi, pas plus tard que ce soir.

— Que vais-je devenir ? — Ah ! qu’ai-je fait ? — dis-je tout haut en marchant sur le tapis moelleux du cabinet. — Eh ! — pensai-je en moi-même, en tirant les bonbons et le cigare. — Ce qui sera, on ne peut y échapper… Et je courus à la maison.