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trompeuse qui s’était formée en elle en même temps que ma passion. Pour ne pas me tromper, je dirai seulement qu’elle était extraordinairement blanche, bien développée, que c’était une femme et que j’avais quatorze ans.

Dans un de ces moments, quand, le livre en main, on se promène dans la chambre en tâchant de ne pas marcher sur certaines fentes du plancher, ou qu’on chante des motifs ineptes, ou qu’on barbouille d’encre le bord de la table, ou qu’on répète machinalement, sans aucune pensée, une expression quelconque, en un mot, dans un de ces moments où l’esprit se refuse au travail et où l’imagination l’emportant, on cherche des impressions, je sortis de la classe et descendis sans aucun but sur le palier de l’escalier.

Quelqu’un en souliers montait de l’autre côté de l’escalier. Naturellement, je voulus savoir qui c’était, mais subitement le bruit des pas cessa et j’entendis la voix de Macha : « Allez-vous-en, ne faites pas de bêtises, et si Maria Ivanovna venait, ce serait bien ?

— « Elle ne viendra pas », — chuchota la voix de Volodia, puis après cela, quelque chose remua, on eût dit que Volodia voulait la retenir.

— « Et où donc fourrez-vous vos mains ? N’avez-vous pas honte ! » — Et Macha, avec son fichu dérangé, sous lequel on apercevait une gorge forte et blanche, courut devant moi.