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V

LE FRÈRE AÎNÉ


J’étais plus jeune que Volodia d’une année et quelques mois ; nous grandissions, étudiions et jouiions toujours ensemble. Entre nous, il n’y avait aucune distinction d’aîné ou de cadet ; mais précisément vers l’époque dont je parle, je commençai à comprendre que Volodia, par son âge, ses goûts et ses capacités, n’était plus un camarade pour moi. Il me semblait même que Volodia reconnaissait sa supériorité et en était fier. Une telle conviction, peut-être erronée, m’inspirait un amour-propre qui souffrait au moindre choc avec lui. En tout il était plus fort que moi : au jeu, à l’étude, dans nos querelles, dans la manière de se tenir, et tout cela m’éloignait de lui et me causait une souffrance morale que je ne pouvais m’expliquer. Si, quand on fit à Volodia ses premières chemises