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quet, nous laissons la voiture nous devancer, nous cueillons des branches vertes et installons un pavillon dans la britchka. Le pavillon mouvant, à la hâte, rattrape la voiture, et Lubotchka en voyant cela, pousse des cris aigus, ce qu’elle ne manque jamais de faire chaque fois qu’une chose lui fait plaisir.

Mais voilà déjà le village où nous dînerons et nous reposerons. On sent déjà l’odeur du village — la fumée, le goudron — on entend le bruit des conversations, des pas, des charrettes ; déjà les grelots ne sonnent plus comme en pleine campagne, et des deux côtés défilent des izbas au toit de chaume, au perron de bois découpé, aux petites fenêtres à vasistas rouges et verts, desquelles apparaît, çà et là, le visage d’une femme curieuse. Voilà, les gamins et les fillettes du village : en chemise, les yeux largement ouverts, les bras écartés, ils restent immobiles ou trottinent rapidement dans la poussière, avec leurs petits pieds nus ; malgré les gestes menaçants de Philippe, ils courent derrière les équipages et tâchent de grimper sur les valises attachées derrière. Voila, des postiers aux cheveux roux accourent de deux côtés vers les voitures, et, par des paroles et des gestes aimables, tâchent d’attirer chez eux les voyageurs. Crrri ! les portes s’ouvrent, les essieux râclent les portes et nous entrons dans la cour. Quatre heures de repos et de liberté !