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de son peignoir, puis chuchota : « Elle est sans connaissance. »

J’étais profondément affligé en ce moment, mais malgré moi j’observais tous les détails. Dans la chambre presque sombre, il faisait chaud, on y sentait à la fois la menthe, l’eau de cologne, la camomille et les gouttes d’Hoffmann.

Cette odeur me frappa tellement, que non seulement quand je la sens, mais même quand j’y pense, aussitôt mon imagination se transporte dans cette chambre obscure et sans air et revoit les moindres détails de ce moment terrible.

Les yeux de maman étaient ouverts, mais elle ne voyait rien… Ah ! je n’oublierai jamais ce regard effrayant ! Il exprimait tant de souffrances !

On nous emmena.

Quand plus tard, je demandais Natalia Savichna de me narrer les derniers moments de ma mère, voici ce qu’elle me raconta :

— Après qu’on vous eût emmenés, ma colombe s’agita encore longtemps, quelque chose l’oppressait ; puis elle laissa tomber sa tête sur l’oreiller et s’endormit doucement, tranquillement, comme un ange du ciel. Je sors pour regarder pourquoi on n’apporte pas sa potion, je rentre, et ma chérie a déjà tout rejeté autour d’elle, et elle appelle votre père. Lui se pencha vers elle, et on vit qu’elle n’avait plus de forces pour dire ce qu’elle voulait, elle entr’ouvrit seulement ses petites