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malheureux garçon, jusque sur les dictionnaires ; moi et Serioja prîmes ses jambes qu’il agitait de tous les côtés, nous relevâmes son pantalon jusqu’aux genoux et en éclatant de rire, nous lançâmes les jambes en haut. Le cadet des Ivine soutenait l’équilibre de tout le corps.

Aussitôt, après le rire bruyant, tout le monde se tut, et dans la chambre régna un tel silence qu’on n’entendait plus que les soupirs oppressés du malheureux Grapp. À ce moment je n’étais pas très convaincu que tout cela fût drôle et amusant.

— Voilà, maintenant, bravo ! — fit Serioja en frappant des mains.

Ilinka se taisait et, tâchant de se délivrer, jetait ses pieds de divers côtés. Dans un de ces mouvements désespérés il frappa si fortement, du talon, l’œil de Serioja, que celui-ci lâcha sur le coup les pieds et porta la main à son œil, duquel, involontairement, coulaient des larmes, et de toutes ses forces, il poussa Ilinka. Celui-ci n’étant plus retenu tomba inerte à terre, et à travers ses larmes, put seulement prononcer :

— Pourquoi me martyrisez-vous ?

L’état lamentable du pauvre Ilinka avec le visage en larmes, les cheveux ébouriffés, les pantalons retroussés laissant voir les tiges des bottes maculées, nous frappa. Tous se turent, et nous essayâmes un sourire contraint.

Serioja se remit le premier.