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— Parce qu’il est jeune, pauvre, parent… parce que toi-même tu ne l’aimes pas.

— Qu’en savez-vous ?

— Je le sais ; ce n’est pas bien, mon amie.

— Et si je veux… dit Natacha.

— Cesse de dire des bêtises.

— Et si je veux…

— Natacha, je parle sérieusement.

Natacha ne la laissa pas achever. Elle attira la longue main de la comtesse et la baisa d’un bout à l’autre d’abord, à l’intérieur, puis à l’articulation de l’index, puis entre deux articulations, puis de nouveau à l’articulation du doigt suivant, et elle chuchotait : « Janvier, février, etc. »

— Dites donc, maman, pourquoi vous taisez-vous ? Parlez, dit-elle en regardant sa mère qui d’un regard tendre la contemplait et semblait en oublier tout ce qu’elle voulait dire.

— Ce n’est pas bien, mon amie. Tous ne comprennent pas votre amitié d’enfance, et à vous voir si intimes, cela pourrait te nuire aux yeux de certaines gens qui viennent chez nous. Surtout, ça n’aboutira à rien. Il s’est peut-être déjà trouvé un parti riche, et maintenant il devient fou.

— Il devient fou ? répéta Natacha.

— Je te dirai ce qui m’est arrivé à moi-même… J’avais un cousin…

— Je sais, Kyril Matvéitch. Mais c’est un vieillard !