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craignait d’avoir pour tombe. Ce lit était très haut avec des couettes de duvet et cinq oreillers de tailles différentes superposés. Natacha bondit, plongea dans le duvet, se tourna vers le mur et s’installa sous la couverture. Elle ramenait ses genoux vers son menton, agitant les jambes et riant à peine. Tantôt elle se couvrait la tête, tantôt regardait sa mère. La comtesse termina sa prière, et, avec un visage sévère s’approcha du lit. Mais voyant que Natacha se couvrait la tête, elle sourit de son sourire bon et faible.

— Bien ! bien ! dit-elle.

— Maman, peut-on causer ? Oui, dit Natacha. Eh bien ! petite âme, une fois encore et ce sera assez. Et elle enlaça le cou de sa mère et la baisa sous le menton. Dans ses rapports avec sa mère, Natacha montrait une brusquerie extérieure de manières, mais elle était très délicate et très adroite, et de quelque façon qu’elle enlaçât sa mère, elle s’y prenait si bien qu’elle ne lui faisait aucun mal, et que ce n’était, pour la comtesse, ni désagréable ni gênant.

— Eh bien ! qu’y a-t-il aujourd’hui ? dit la mère en s’appuyant sur les oreillers et en attendant, pendant que Natacha, en se roulant deux fois, s’allongeait à côté d’elle, sous la même couverture, les mains dehors, et la mine sérieuse.

Ces visites nocturnes que Natacha faisait à la comtesse avant que le comte fût revenu du cercle