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savez… quelque chose… désagréable, tandis que ma fiancée… Voilà, vous viendrez chez nous…, continuait Berg ; il voulait dire « dîner » mais il réfléchit et dit : « prendre du thé », et, d’un rapide mouvement de langue, il laissa échapper un petit cercle de fumée, qui figurait tout à fait ses rêves de bonheur.

Après la première impression d’étonnement causée chez les parents par la demande de Berg, comme c’est d’usage en pareilles occasions, il se manifesta un état de fête et de joie. Mais cette joie n’était pas franche, elle n’était qu’extérieure. Les parents semblaient un peu honteux de ce mariage. Ils se sentaient aussi gênés parce qu’ils avaient peu aimé Véra et maintenant s’en débarrassaient si facilement.

Le vieux comte était surtout confus. Il est probable qu’il n’aurait pas su dire la cause de sa gêne, qui provenait de ses affaires d’argent. Il ignorait absolument combien il avait de dettes et ce qu’il pourrait donner en dot à Véra. À la naissance des filles, à chacune était destinée une dot de trois cents âmes, mais comme un des villages était déjà vendu, l’autre hypothéqué et si grevé qu’il devait être vendu, il était donc impossible de donner un domaine.

Et d’argent il n’en avait point.

Berg était déjà fiancé depuis plus d’un mois, il ne restait plus qu’une semaine avant le mariage