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« 9 décembre.

» J’ai eu un songe qui m’a fait me réveiller tout ému. J’ai rêvé que j’étais à Moscou, dans ma maison, dans le grand divan ; Joseph Alexéiévitch sortait du salon. Je reconnus aussitôt qu’une transformation s’était opérée en lui, et je courus à sa rencontre. Je l’embrassai, baisai ses mains, et il me dit ; « As-tu remarqué que j’ai un autre visage ? » Je le regardai tout en continuant à le tenir dans mes bras ; je crus voir que son visage était jeune, mais il n’avait pas de cheveux et ses traits étaient tout autres. Je lui dis : « Je vous aurais reconnu si je m’étais rencontré par hasard avec vous. » Et tout en disant cela, je pensais : « Ai-je dit la vérité ? » Et, tout à coup, je le vis devenir comme un cadavre. Ensuite peu à peu, il ressuscita et rentra avec moi dans le grand cabinet, il tenait un grand livre écrit sur une feuille d’alexandrin. Et je lui dis : « C’est moi qui ai écrit. » Il me répondit par un signe de tête. J’ouvris le livre, chaque page était ornée de beaux dessins, et je vis que ces tableaux représentaient les aventures de deux amoureux ; dans ces pages je vis la belle image d’une vierge en habits transparents, avec un corps diaphane, qui montait au ciel. Il me semblait savoir que cette vierge n’était rien d’autre que l’image du Cantique des cantiques. En regardant ce dessin,