Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rait publiquement, ajouta-t-il avec ardeur et hâte. Moi, personnellement, je n’aime pas Spéransky, mais j’aime la justice.

Pierre retrouvait maintenant en son ami le besoin qu’il connaissait trop, le besoin de s’agiter et de discuter une affaire étrangère, à seule fin d’étouffer les pensées intimes trop pénibles.

Quand le prince Mestcherskï sortit, le prince André prit Pierre sous le bras et l’emmena dans la chambre qui était aménagée pour lui : il y avait un lit, sa valise et des coffres ouverts. Le prince André s’approcha de l’un d’eux et y prit une cassette. Il en tira une liasse enveloppée d’un papier. Il faisait tout en silence et très rapidement. Il se leva et toussota. Son visage était froncé, ses lèvres serrées.

— Pardonne-moi si je te demande un service…

Pierre comprit que le prince André voulait parler de Natacha, et son large visage exprima le regret et la compassion. Cette expression du visage de Pierre fâcha le prince André. D’une voix résolue, sonore et désagréable, il continua : J’ai reçu le refus de la comtesse Rostov. Les bruits qui sont arrivés jusqu’à moi : que ton beau-frère a recherché sa main ou quelque chose de semblable, sont-ils exacts ?

— C’est vrai et pas vrai, commença Pierre, mais le prince André l’interrompit.

— Voici ses lettres et son portrait. Il prit la