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le collet de son uniforme et se mit à le secouer de côté et d’autre jusqu’à ce que le visage d’Anatole prit une expression de souffrance et de peur.

— Quand je dis qu’il me faut parler avec vous.

— Mais quoi ! C’est bête ! hein ? dit Anatole en sentant que le bouton de son collet s’arrachait avec l’étoffe.

— Vous êtes un lâche ! une crapule ! et je ne sais pas ce qui me retient de vous écraser la tête avec cela, dit Pierre qui s’exprimait aussi artificiellement parce qu’il parlait en français. Il prit dans sa main un lourd presse-papier, le souleva d’un air menaçant et aussitôt, hâtivement, le posa à sa place.

— Avez-vous promis de l’épouser ?

— Moi… moi… Je n’ai pas pensé… Cependant, je n’ai pas promis parce que…

Pierre l’interrompit :

— Avez-vous ses lettres ? Vous avez des lettres d’elle ? répéta Pierre en s’approchant d’Anatole.

Pierre le regarda, et aussitôt il fourra la main dans sa poche et tira son portefeuille. Pierre prit la lettre qu’il lui tendait, et, en repoussant la table qui était sur son chemin, il tomba sur le divan.

Je ne serai pas violent, ne craignez rien, dit Pierre en répondant au geste effrayé d’Anatole. La lettre… dit Pierre, comme s’il se répétait une leçon. Deuxièmement, continua-t-il après un moment de silence, en se levant et recommençant à marcher, demain vous devez quitter Moscou.