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course de deux heures, et le plus souvent ne les conduisait pas lui-même mais envoyait ses garçons, et avec ces seigneurs, comme il les appelait, il conduisait toujours lui-même et il ne demandait jamais rien pour son travail. Mais quand il savait par les valets qu’il y avait de l’argent, il venait un bon matin, à jeun, et, saluant très bas, leur demandait de le sauver. Les seigneurs le faisaient toujours asseoir.

— « Sauvez-moi, petit père Fédor Ivanitch, ou Votre Excellence, disait-il. Je n’ai plus de chevaux et il me faut partir à la foire, prêtez-moi ce que vous pourrez. » Quand Anatole et Dolokhov avaient de l’argent, ils lui donnaient par mille ou deux mille roubles.

Balaga était un paysan de vingt-sept ans, blond, au visage rouge et sombre, le cou rouge, fort, trapu, le nez retroussé, de petits yeux brillants et une petite barbiche. Il portait un cafetan de fin drap bleu doublé de soie, qu’il mettait par-dessus une pelisse.

Il se signa en regardant le coin et s’approcha de Dolokhov en lui tendant sa petite main brune.

— Salut ! Fédor Ivanitch !

— Bonjour, mon cher. Eh bien, voilà, il est là !

— Bonjour, Votre Excellence ! dit-il à Kouraguine qui entrait et lui tendit la main.

— Balaga, m’aimes-tu ou non, je te le demande ? dit Anatole en lui posant la main sur l’épaule.