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Sonia comme si elle ne comprenait pas sa question.

— Quoi ! Refuses-tu le prince André ? dit Sonia.

— Ah ! tu ne comprends rien ; ne dis pas de bêtises. Écoute, fit Natacha avec dépit.

— Non, je ne puis y croire, répéta Sonia, je ne comprends pas comment tu as pu, pendant toute une année, aimer un homme et tout d’un coup… Mais tu ne l’as vu que trois fois, Natacha. Je ne te crois pas ; tu plaisantes. En trois jours oublier tout et…

— Trois jours ! Il me semble que je l’aime depuis cent ans ! Il me semble que je n’ai aimé personne avant lui. Tu ne peux le comprendre, Sonia. Natacha l’embrassa. — On m’a raconté que ça arrive, probablement tu l’as entendu dire, mais ce n’est que maintenant que j’ai éprouvé cet amour. Ce n’est pas ce qui était auparavant. Aussitôt que je l’ai aperçu, j’ai senti qu’il était mon maître, que j’étais son esclave et que je ne pouvais pas ne pas l’aimer. Oui, esclave ! quoi qu’il m’ordonne je le ferai. Tu ne comprends pas. Que faut-il que je fasse, Sonia ? dit Natacha avec un visage heureux et effrayé.

— Mais pense donc à ce que tu fais, je ne puis pas te laisser ainsi. Des lettres mystérieuses. Comment as-tu pu le lui permettre ? prononça-t-elle avec un dégoût, une horreur qu’elle cachait avec effort.