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sait ainsi, et, elle-même croyait avoir beaucoup souffert dans la vie.

Cette mélancolie, qui ne l’empêchait point de s’amuser, n’empêchait pas les jeunes gens qui la fréquentaient de passer agréablement le temps. Chacun des hôtes payait sa dette à l’humeur mélancolique de la maîtresse du logis et ensuite s’occupait de conversations mondaines, de danses, de jeux d’esprit, de tournois de bouts-rimés, à la mode chez les Karaguine. Seuls, quelques jeunes gens, parmi lesquels Boris, se pénétraient de l’humeur mélancolique de Julie, et, avec ceux-ci, elle avait des conversations plus longues et plus personnelles sur la vanité des choses de ce monde, et, à eux, elle ouvrait ses albums pleins d’images tristes, de sentences et de vers.

Julie était particulièrement tendre envers Boris. Elle plaignait son désenchantement prématuré de la vie, lui proposait des consolations amicales qu’elle pouvait proposer, ayant, elle-même, tant souffert, et lui ouvrait son album. Boris dessina deux arbres sur l’album et écrivit : Arbres rustiques, vos sombres rameaux secouent sur moi les ténèbres et la mélancolie.

Ailleurs, il dessina un cercueil et inscrivit :


La mort est secourable et la mort est tranquille.
Ah ! contre les douleurs, il n’est pas d’autre asile.


Julie trouva cela charmant.