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dans le salon à l’ancienne mode, haut, avec de vieux meubles, ressemblait à un jury assemblé pour le conseil solennel. Tous se taisaient et s’ils parlaient, c’était bas. Le prince Nicolas Andréiévitch parut sérieux et renfermé ; la princesse Marie semblait encore plus douce et plus timide qu’à l’ordinaire. Les hôtes s’adressaient peu volontiers à elle, parce qu’ils la voyaient détachée de la conversation.

Le comte Rostoptchine tenait seul la conversation en racontant les dernières nouvelles de la ville ou de la politique.

Lapoukhine et le vieux général y prenaient rarement part. Le prince Nicolas Andréiévitch écoutait comme un juge suprême écoute le rapport qu’on lui fait, répondant rarement, et, par un silence ou un mot bref, indiquant qu’il prend note du rapport.

Le ton de la conversation montrait que personne n’approuvait ce qui se faisait en politique. On ne parlait des événements qu’avec la certitude évidente que tout allait de mal en pis. Mais, chose remarquable, dans chaque récit ou discussion, le narrateur s’arrêtait ou était arrêté sur les confins au delà desquels le raisonnement pouvait avoir trait à la personne de l’empereur. Pendant le dîner la conversation tournait sur les dernières nouvelles politiques, sur l’accaparement par Napoléon des possessions du duc d’Oldenbourg, et sur