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Mais le plus pénible pour la princesse Marie, c’était l’emportement de son père, dirigé toujours contre elle, et qui, ces derniers temps, allait jusqu’à la cruauté. S’il l’avait forcée à se prosterner toute la nuit devant l’icône, s’il l’avait battue, forcée à tirer l’eau, à chercher le bois, elle n’eût pas trouvé son sort pire. Mais ce bourreau aimant était surtout cruel parce qu’il aimait et, par cette raison les faisait souffrir elle et lui-même. Non seulement il savait la blesser, l’humilier, mais il lui prouvait qu’elle était coupable en tout. Les derniers temps il y eut un nouveau fait qui attrista beaucoup la princesse Marie : c’était ses rapports de plus en plus intimes avec mademoiselle Bourienne. L’idée plaisante qui lui était venue soudain en apprenant les intentions de son fils : que si le prince André se mariait, lui épouserait mademoiselle Bourienne, cette idée, visiblement lui plaisait, et, les derniers temps, avec une obstination particulière (il semblait à la princesse Marie que ce n’était que pour la blesser), il montrait une tendresse spéciale à mademoiselle Bourienne, et témoignait de son mécontentement envers sa fille par des marques d’amour pour mademoiselle Bourienne. Un jour, à Moscou, en présence de la princesse Marie (il lui sembla que son père faisait cela exprès, devant elle), le vieux prince baisa la main de mademoiselle Bourienne et, l’attirant vers lui, l’enlaça et la caressa. La princesse Marie rougit et