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— Sonia, tu te sens bien ? demandait-il de temps en temps.

— Oui, répondait Sonia, et toi ?

Au milieu de la route, Nicolas ordonna au cocher de tenir les chevaux, et courut, pour un moment, au traîneau de Natacha, et se tint sur les patins.

— Natacha, tu sais, j’ai décidé sur Sonia…, chuchota-t-il en français.

— Tu lui as dit ? demanda Natacha, s’animant tout à coup, toute joyeuse.

— Ah ! comme tu es étrange avec tes moustaches et tes sourcils, Natacha. Es-tu contente ?

— Je suis si contente, si heureuse ! J’étais déjà fâchée contre toi. Je ne te l’ai pas dit, mais tu as mal agi avec elle. C’est un tel cœur, Nicolas. Comme je suis contente ! Parfois je suis vilaine, mais j’ai honte d’être heureuse, seule, sans Sonia. Maintenant, je suis si contente. Eh bien, va chez elle.

— Non, attends. Ah ! que tu es drôle ! dit Nicolas, toujours la regardant et trouvant aussi dans sa sœur quelque chose de nouveau, pas ordinaire, de charme et de tendresse, qu’il n’avait pas vu en elle auparavant. Natacha, c’est féerique dis ?

— Oui, répondit-elle, tu as bien fait.

« Si auparavant, je l’avais vue telle que maintenant, je lui aurais demandé depuis longtemps ce qu’il fallait faire et j’aurais fait tout ce qu’elle aurait ordonné ; et tout serait bien, » pensait Nicolas.