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calma ; sa poitrine ne semblait pas respirer l’air, mais une force éternelle, jeune et gaie.

Du perron des domestiques, quelqu’un descendait en frappant du pied les marches ; un grincement se fit entendre sur la dernière marche couverte de neige, et la voix d’une vieille femme prononça :

— Tout droit, tout droit, par le sentier, mademoiselle, mais il ne faut pas se détourner.

— Je n’ai pas peur, répondit la voix de Sonia, et ses fins souliers crièrent dans la direction de Nicolas. Sonia marchait, enveloppée dans sa pelisse. Elle n’était qu’à deux pas de lui quand elle le remarqua.

Elle aussi vit un autre homme que celui qu’elle connaissait et dont elle avait toujours un peu peur. Il était en robe de femme, les cheveux ébouriffés, avec un sourire heureux, nouveau pour Sonia. Elle courut rapidement vers lui.

« Tout autre et toujours la même, » pensa Nicolas en regardant son visage tout éclairé par la lune. Il passa ses mains sous la pelisse qui couvrait sa tête, l’enlaça, la serra contre lui, et lui baisa les lèvres, que surmontait la moustache sentant le bouchon brûlé. Sonia le baisa au milieu des lèvres et, dégageant ses deux mains, elle le prit par les joues.

— Sonia !… — Nicolas !… dirent-ils seulement. Ils coururent vers la grange, et retournèrent, chacun de son côté.