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telles confitures, de telles noisettes au miel, d’un pareil poulet.

Anicia Féodorovna sortit, Rostov et l’oncle, en buvant, après le souper, de la liqueur de cerises, causèrent de la chasse passée et future, de Rougaï, et des chiens d’Ilaguine. Natacha, les yeux brillants, était assise toute droite sur la chaise longue et les écoutait. Plusieurs fois elle avait essayé de réveiller Pétia, pour le faire manger, mais il marmonnait quelques paroles incompréhensibles, et ne s’éveillait pas. Natacha sentait en son âme une telle gaîté, elle se trouvait si bien en ce milieu nouveau pour elle, qu’elle craignait seulement que la voiture ne vînt trop tôt pour l’emmener. Après un silence fortuit, qui arrive presque toujours chez les personnes qui reçoivent des connaissances pour la première fois, l’oncle dit, en répondant à la pensée de ses hôtes :

— Voilà comment je termine ma vie. On mourra, bon ! il ne restera rien. Pourquoi donc pécher ?

En disant cela, le visage de l’oncle était très imposant et même beau. Rostov se rappelait spontanément tout le bien qu’il avait entendu dire de cet oncle, par son père et des voisins. Dans tout le district, il avait la réputation de l’homme le plus noble et le moins intéressé ; on le prenait comme arbitre pour des affaires de famille ; on le choisissait comme exécuteur testamentaire ; on lui confiait des secrets ; on le choisissait comme juge et pour d’au-