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nous rendre tous malheureux, » écrivait la comtesse.

Cette lettre impressionna Nicolas. Il avait ce bon sens de la médiocrité, qui lui indiquait ce qu’il devait faire.

Maintenant, il fallait partir, sinon en donnant sa démission, au moins en prenant un congé. Pourquoi fallait-il partir, il ne le savait pas, mais après avoir bien dormi, après le dîner, il ordonna de seller son gris Mars, un trotteur très fougueux qui n’était pas sorti depuis longtemps, et, arrivant à son logis sur le trotteur écumant, il déclara à Lavrouchka (le valet de Denissov était resté chez Rostov) et aux camarades qui étaient venus le voir, qu’il prenait un congé et partait à la maison. Bien que ce lui fût difficile et étrange de penser qu’il allait partir et ne saurait pas de l’état-major (ce qui l’intéressait particulièrement) s’il serait promu capitaine, s’il recevrait la décoration d’Anne pour les dernières manœuvres, si étrange que ce fût pour lui de penser qu’il allait partir sans avoir vendu, au comte polonais Goloukovsky, les trois chevaux qu’il lui marchandait et qu’il pensait vendre deux mille roubles, si incompréhensible que lui parût son absence au bal que les hussards devaient donner à madame Pchasdetzka pour rivaliser avec les uhlans qui en donnaient un à madame Borjozovska, il savait qu’il devait quitter ce milieu bon, et aller quelque part, là-bas, où tout était bêtise et,