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Elle était assise sur son lit, pâle, les yeux secs ; elle regardait l’icône et, en se signant rapidement, murmurait quelque chose. En apercevant sa mère elle bondit et se précipita vers elle.

— Quoi ? Maman ? Quoi ?

— Va, va près de lui. Il demande ta main, dit la comtesse froidement, à ce qu’il sembla à Natacha. Va, va, répétait-elle avec tristesse et reproche derrière sa fille qui courait ; et elle soupirait péniblement.

Natacha ne se souvenait pas comment elle entrait au salon. À la porte, elle l’aperçut et s’arrêta. « Est-ce que cet étranger est maintenant devenu tout pour moi ? » se demanda-t-elle et elle se répondit aussitôt : « Oui, tout. Lui seul m’est maintenant plus cher que tout au monde ! » Le prince André s’approcha d’elle les yeux baissés.

— Je vous ai aimée depuis que je vous ai vue. Puis-je espérer ?…

Il la regardait. L’expression grave et passionnée de son visage le frappait. Son visage disait : « Pourquoi interroger, pourquoi douter de ce qu’on ne peut ignorer ? Pourquoi parler quand on ne peut exprimer avec des paroles ce que l’on sent » ?

Elle s’approcha de lui et s’arrêta. Il prit sa main et la baisa.

— M’aimez-vous ?

— Oui, oui, dit Natacha comme si elle avait du