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devenu le visiteur assidu de la maison de la comtesse, et beaucoup de brillantes dames et messieurs. Pierre, en bas, traversait les salons et étonnait tous les invités par son air concentré, distrait et sombre.

Depuis le bal, Pierre s’était senti atteint d’une hypocondrie, qu’avec des efforts désespérés il essayait de vaincre. Depuis le rapprochement du grand-duc avec sa femme, tout à fait sans s’y attendre, il avait été nommé chambellan et depuis ? il commençait à éprouver de l’ennui et de la honte dans la grande société, et des idées sombres sur la vanité de tout ce qui est humain l’assaillaient souvent. Depuis qu’il avait remarqué les sentiments de sa protégée Natacha et du prince André, cette humeur sombre s’augmentait encore par le contraste entre sa situation et celle de son ami. Il tâchait également de ne penser ni à sa femme, ni à Natacha, ni au prince André. De nouveau tout lui semblait mesquin en comparaison avec l’éternité. De nouveau se posait à lui la question : Pourquoi ? et, jour et nuit, il s’efforcait de travailler aux œuvres maçonniques, espérant par là éloigner les mauvais esprits.

Pierre, en sortant de chez la comtesse, à minuit, s’était assis chez lui, en haut, dans la chambre basse pleine de fumée ; dans sa robe de chambre usée, devant la table, il recopiait des actes originaux écossais, quand quelqu’un entra chez lui.