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pour connaissances des gens supérieurs, parce qu’alors seulement il y a agrément à avoir des connaissances. « On peut imiter quelque chose, demander quelque chose. Tenez, regardez comment j’ai vécu depuis mon premier grade (Berg ne comptait pas sa vie par années mais par avancements), mes camarades ne sont encore rien et moi je suis en passe d’être commandant de régiment, j’ai le bonheur d’être votre mari (il se leva et baisa la main de Véra, et, en allant près d’elle, il arrangea le coin du tapis). Et comment ai-je acquis tout cela ? Principalement par mon tact à choisir mes connaissances. Il va sans dire qu’il faut être vertueux et exact. »

Berg sourit avec la conscience de sa supériorité sur une faible femme, et se tut en pensant que sa charmante épouse était une femme de tête et que, cependant, elle ne pouvait comprendre ce qui fait la supériorité d’un homme, « ein Mann zu sein ». À ce moment Véra sourit aussi avec la conscience de sa supériorité sur le bon mari vertueux, mais qui, selon la conception de Véra, de même que tous les hommes comprenait mal la vie. Berg, jugeant d’après sa femme, trouvait toutes les femmes faibles et sottes. Véra, jugeant d’après son mari, et généralisant ses observations, croyait que tous les hommes ne font que s’attribuer l’intelligence, mais qu’en réalité ils ne comprennent rien, sont orgueilleux et égoïstes.