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choisissent une opinion comme un costume, suivant la mode, mais qui, par cela même, semblent les partisans les plus ardents du nouveau courant. L’air soucieux, soulevant à peine son chapeau, il accourut chez le prince André et aussitôt se mit à parler.

Avec enthousiasme et sans perdre de temps, il narra les détails de la séance du Conseil d’empire tenu le matin et présidé par l’empereur. Le discours de l’empereur avait été admirable. C’était un de ces discours comme seuls les empereurs constitutionnels en prononcent. « L’empereur a dit carrément que le Conseil et le Sénat sont les ordres de l’État. Il a dit aussi que le gouvernement doit avoir pour base non les abus, mais des principes fermes, que les finances doivent être transformées et les comptes rendus publics », racontait Bitzkï, en accentuant certains mots et ouvrant largement les yeux. « Oui, l’événement d’aujourd’hui marque une ère, la plus grande ère de notre histoire », conclut-il.

Le prince André écoutait ce récit de l’ouverture du Conseil d’empire qu’il avait attendu avec tant d’impatience et auquel il avait attaché tant d’importance, et il s’étonnait que maintenant, quand cet événement se réalisait, non seulement il n’en était pas touché, mais il lui paraissait plus que minime. Avec une raillerie cachée, il écoutait le récit enthousiaste de Bitzkï. L’idée la plus simple