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entra. Le prince Vassili, le premier, s’approcha d’elle ; elle baisa la tête chauve qui s’inclinait sur sa main et elle répondit à ses paroles qu’elle se souvenait très bien de lui. Ensuite ce fut le tour d’Anatole.

Elle continuait à ne pas le voir. Elle sentit seulement la main douce qui serra fermement la sienne et elle effleura à peine le front blanc sur lequel étaient pommadés de jolis cheveux blonds. Quand elle le regarda, sa beauté la frappa. Anatole, le pouce de la main droite dans la boutonnière de son uniforme, la poitrine bombée, le dos effacé, en se balançant sur une jambe, un peu écartée, et la tête inclinée, silencieusement, joyeusement regardait la princesse, mais évidemment sans penser du tout à elle. Anatole n’était ni brillant, ni vif, ni éloquent en conversation, mais au lieu de cela, il avait une qualité précieuse dans le monde : un calme et une assurance imperturbables. Si un homme timide se tait à une première rencontre et montre qu’il sent l’inopportunité de ce silence et laisse voir le désir de trouver quelque chose à dire, c’est mal. Mais Anatole se taisait et balançait sa jambe, en observant gaîment la coiffure de la princesse. Il était évident qu’il pouvait encore longtemps se taire et rester aussi calme. « Si c’est gênant pour quelqu’un, alors causez, mais moi je ne veux pas », semblait dire son regard. En outre, dans ses rapports envers les femmes, Anatole avait ce qui inspire le plus aux