Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/494

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chapeau rond, Nicolas errait dans la ville, examinant les Français et leurs uniformes, il regardait les rues et la maison où logeaient les empereurs russe et français. Sur la place, il vit les tables préparées et l’apprêt du dîner ; les rues étaient décorées de drapeaux aux couleurs russes et françaises et de blasons énormes aux chiffres A et N. Les fenêtres des maisons étaient aussi pavoisées de drapeaux et de blasons. « Boris ne veut pas m’aider et je ne veux plus m’adresser à lui, c’est une affaire entendue, » pensait Nicolas. « Entre nous tout est fini, je ne partirai pas d’ici sans faire tout ce que je pourrai pour Denissov et surtout sans remettre la lettre à l’empereur. À l’empereur ! Il est là ! » pensait Rostov en revenant malgré lui vers la maison qu’occupait Alexandre. Près de cette maison, stationnaient des chevaux de selle, la suite se réunissait ; évidemment elle se préparait à la sortie de l’empereur, « Je puis le voir d’un moment à l’autre, pensa Rostov ; si seulement je pouvais lui remettre personnellement la supplique, et lui dire tout. Est-ce qu’on m’arrêterait à cause de mon habit. Pas possible ! Il comprendrait de quel côté est la justice. Il comprend tout ; il sait tout. Qui peut être plus juste et plus magnanime que lui ? Eh bien ! Si même on m’arrêtait parce que je suis ici, quel malheur ? pensa-t-il en regardant l’officier qui entrait dans la maison occupée par l’empereur. Eh bien ! On rentre après tout !