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de son général et lui transmettre une supplique.

Quand ils se trouvèrent en tête-à-tête, Rostov se rendit compte pour la première fois qu’il était gêné de regarder Boris dans les yeux.

Boris, les jambes croisées, en caressant de sa main gauche les doigts fins de sa main droite, écoutait Rostov comme un général écoute le rapport d’un subordonné, tantôt regardant de côté, tantôt, avec le même voile dans le regard, regardant droit dans les yeux de Rostov. Rostov, chaque fois, se sentait gêné et baissait les yeux.

— J’ai entendu parler d’affaires de ce genre et je sais que l’empereur est très sévère en pareils cas. Je pense qu’il ne faudrait pas amener l’affaire jusqu’à Sa Majesté. Selon moi, le mieux serait de s’adresser au commandant du corps… Mais, en général, je pense…

— Alors tu ne veux rien faire, dis-le ! cria presque Rostov sans regarder Boris.

Boris sourit.

— Au contraire, je ferai tout ce que je pourrai, seulement je pense…

À ce moment la porte s’ouvrit, et on entendit la voix de Gilinsky qui appelait Boris.

— Eh bien, va, va… — dit Rostov, et refusant d’aller souper il resta seul dans la petite chambre, marcha longtemps de long en large en entendant les conversations joyeuses, françaises, de la chambre voisine.