Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trarié quand il lui parlait du régiment et, en général, de l’autre vie, libre, qui s’écoulait en dehors de l’hôpital. On aurait dit qu’il voulait oublier cette vie passée et ne s’intéresser qu’à son affaire avec le fonctionnaire de l’intendance. Quand Rostov lui demanda où en était son affaire, il tira de dessous son oreiller un papier reçu de la commission et le brouillon de sa réponse. Il s’anima quand il commença la lecture de ce papier et fit remarquer à Rostov les pointes qu’il lançait à ses ennemis.

Les camarades d’hôpital de Denissov qui entouraient Rostov, — quelqu’un du monde libre, — s’éloignèrent peu à peu quand Denissov se mit à lire sa lettre. À leurs visages Rostov comprit que tous ces messieurs avaient déjà entendu maintes fois cette histoire et qu’ils en étaient rebattus. Seuls le voisin de lit, un gros uhlan assis sur son lit, qui fronçait gravement les sourcils et fumait sa pipe, et le petit Touchine, amputé d’un bras, écoutaient et hochaient la tête, en signe de désapprobation. Au milieu de la lecture le uhlan interrompit Denissov.

— Selon moi, — fit-il s’adressant à Rostov, — il faut tout simplement demander la grâce à l’empereur. On dit qu’il y aura beaucoup de récompenses et, probablement, on graciera…

— Moi, demander à l’empe’eu’ ! — prononça Denissov d’une voix à laquelle il voulait donner l’assurance énergique et la chaleur, mais où