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Après s’être présenté au chef du régiment, avoir reçu son ancien escadron, être allé au service et au fourrage, être entré dans les petits intérêts du régiment, quand il se sentit privé de liberté et fondu dans un cadre étroit, immuable, Rostov éprouva ce même calme qu’il sentait sous le toit paternel, ce même réconfort et cette même conscience d’être ici à sa place comme à la maison familiale.

Il n’y avait pas tout ce désordre du monde libre, où il ne se trouvait pas déplacé et se trompait dans son choix. Il n’y avait pas Sonia avec qui il fallait ou non s’expliquer… Il n’était pas possible d’aller là-bas ou non ; il n’y avait pas ces vingt-quatre heures par jour qu’on pouvait employer de façons diverses ; il n’y avait pas cette foule d’hommes parmi lesquels tous étaient également indifférents ; il n’y avait pas ces relations d’argent, imprécises, avec son père ; il n’y avait pas le souvenir de la terrible perte avec Dolokhov ! Ici, au régiment, tout était simple et clair. Tout le monde était partagé en deux sections inégales : l’une, notre régiment de Pavlograd ; l’autre, tout le reste. Et personne n’avait rien à voir avec ce reste. Dans le régiment tout était connu. Qui est le lieutenant, qui le capitaine, qui est bon, qui est mauvais, et, en particulier, qui est un bon camarade, qui en est un mauvais. Le vivandier fait crédit ; on reçoit tous les quatre mois la solde ; il n’y a rien à inventer ou à choisir, il n’y a qu’à s’abstenir de