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Le prince André soupira et décacheta l’autre enveloppe. La lettre, d’une écriture très fine, emplissait les deux feuilles ; elle venait de Bilibine. Il la replia sans la lire et relut celle de son père, qui se terminait par les mots : « Va donc immédiatement à Kortchéva et exécute mes ordres ! » — « Non, pardon, maintenant je n’irai pas avant que mon enfant soit rétabli, » pensa-t-il en s’approchant de la porte et jetant un coup d’œil dans la chambre d’enfant.

La princesse Marie était toujours près du lit et berçait doucement l’enfant.

« Oui, qu’écrit-il encore de désagréable ? se dit le prince André, se rappelant le contenu de la lettre de son père. Oui… les nôtres ont remporté la victoire sur Bonaparte, précisément quand je n’y suis pas. Oui, oui, le sort me raille… Tant mieux. » Et il se mit à lire la lettre française de Bilibine. Il lut sans en comprendre la moitié. Il ne lisait qu’à fin de cesser de penser, pour un moment, à ce à quoi, depuis trop longtemps, il pensait exclusivement et avec beaucoup de souffrances.