Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reçue par toutes ses connaissances, non seulement avec sympathie, mais avec des marques de respect qui se rapportait à son malheur. Quand la conversation tournait sur son mari, Hélène prenait un air digne, qu’elle avait adopté sans en comprendre le sens, mais par ce tact particulier à elle. Cette expression voulait dire qu’elle était résignée à supporter son malheureux sort sans se plaindre, que son mari était la croix envoyée par Dieu.

Le prince Vassili exprimait son opinion plus franchement. Il haussait les épaules quand on commençait à parler de Pierre et, en montrant son front, il disait :

Un cerveau fêlé. Je le disais toujours.

— Je l’avais dit, — disait Anna Pavlovna parlant de Pierre. — J’ai toujours dit, et avant tous (elle insistait sur la priorité), que c’est un jeune homme fou, gâté par les idées dépravées du siècle ; je le disais alors que tous étaient enthousiastes de lui, quand il venait d’arriver de l’étranger et qu’un soir, chez moi, vous vous souvenez, il faisait son Marat. Comment tout cela s’est-il terminé ? À cette époque je ne désirais point ce mariage et j’ai prédit tout ce qui est arrivé.

Comme autrefois, Anna Pavlovna donnait chez elle des soirées comme elle seule avait le don de les organiser, et où, selon son expression, se réunissait la crème de la véritable bonne so-