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supposez-vous l’existence d’un être si incompréhensible, d’un être omnipotent, éternel et infini dans toutes ses qualités ?…

Il s’arrêta et longtemps garda le silence. Pierre ne pouvait et ne voulait rompre ce silence.

— Il existe, mais il est bien difficile de le comprendre ; — le vieillard de nouveau se mit à parler ; il ne regardait pas le visage de Pierre, mais regardait devant lui, en feuilletant les pages du livre de ses mains séniles, qui, de l’émotion intérieure, ne pouvaient rester tranquilles. — Si tu mettais en doute l’existence d’un homme, alors j’emmènerais cet homme chez toi, je le prendrais par la main, je te le montrerais. Mais comment moi, un simple mortel, montrerais-je toute son omnipotence, toute son éternité, toute sa béatitude, à celui qui est aveugle ou qui ferme les yeux pour ne pas Le voir, pour ne pas Le comprendre, pour ne pas voir et ne pas comprendre toute sa lâcheté et tout son vice ?

Il se tut.

— Qui es-tu ? Qu’est-ce que tu es ? Tu te crois sage parce que tu as pu prononcer ces paroles sacrilèges, fit-il avec un sourire sombre et méprisant, mais tu es plus sot et plus insensé qu’un petit enfant qui, en jouant avec les parties d’une montre habilement fabriquée, oserait dire, parce qu’il ne comprend pas le but de la montre, qu’il ne croit pas en l’artisan qui l’a faite. Il est difficile de le com-