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bruns, au type tzigane, entraient déjà et parlaient.

Nicolas comprit que tout était fini. D’une voix indifférente, il prononça :

— Quoi, tu ne joueras plus ? J’avais préparé encore une bonne carte…, comme s’il était surtout captivé par la gaîté du jeu même.

« Tout est fini. Je suis perdu, pensa-t-il. Maintenant, une balle dans le front, c’est tout ce qui me reste. »

Et en même temps il prononçait d’une voix gaie :

— Eh bien, encore une petite carte ?

— Bon, répondit Dolokhov en terminant l’addition. Bon ! Vingt-et-un roubles, ça va, — dit-il en fixant le nombre 21, qui manquait pour arriver au chiffre rond de quarante-trois mille. Et prenant la taille, il se prépara à donner les cartes. Rostov effaçait docilement les doubles, et au lieu de six mille proposés, écrivait soigneusement 21.

— Ça m’est égal, dit-il. Ce qui m’intéresse, c’est seulement de savoir si tu me battras ou me donneras ce 10.

Dolokhov se mit à la banque d’un air sérieux. Oh ! comme Rostov haïssait alors ces mains rouges aux doigts courts, avec ces poils qu’on apercevait sous la manchette, et qui le tenaient en leur pouvoir.

Le 10 était donné.