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— Je n’ai rien à entendre, disait Natacha avec obstination, c’est un méchant ; il n’a pas de cœur. Voilà, j’aime ton Denissov ; c’est un noceur et tout, mais quand même je l’aime, et alors je comprends ; je ne sais comment te dire : chez Dolokhov tout est calculé et moi je n’aime pas cela, et Denissov…

— Et Denissov, c’est une autre affaire, repartit Nicolas en faisant entendre qu’en comparaison avec Dolokhov, Denissov n’était rien. Mais il faut comprendre l’âme de ce Dolokhov. Il faut le voir avec sa mère, c’est un tel cœur !

— Ça, je n’en sais rien ; mais avec lui je suis gênée. Et tu sais qu’il est amoureux de Sonia ?

— Quelle sottise…

— J’en suis sûre. Tu verras.

La prédiction de Natacha se réalisait.

Dolokhov, qui n’aimait pas la société des dames, commençait à venir souvent chez les Rostov et la question : pour qui vient-il ? était bientôt décidée (bien que personne n’en parlât). Il venait pour Sonia. Et Sonia, sans oser se l’avouer, le savait, et chaque fois qu’arrivait Dolokhov, elle devenait rouge comme de l’andrinople.

Dolokhov dînait souvent chez les Rostov, ne manquait jamais les spectacles où ils allaient et fréquentait les bals d’adolescentes chez Ioguel où étaient toujours les Rostov. Il montrait une atten-