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par sa noble nature, l’aimait, et même maintenant il ne dit jamais de mal de lui. À Pétersbourg, la plaisanterie qu’ils ont faite avec le policier, ils l’ont faite ensemble, n’est-ce pas ? Eh bien, Bezoukhov n’en a pas souffert, Fédia a tout supporté. Et qu’a-t-il supporté ! C’est vrai qu’on lui a rendu son grade mais comment pouvait-on ne pas le lui rendre ! Je pense qu’il n’y avait pas là-bas beaucoup de fils de la patrie aussi courageux. Et à présent, ce duel ! Est-ce que ces hommes ont le moindre sentiment d’honneur ? Le provoquer, le sachant fils unique, et tirer comme ça tout droit ! Heureusement que le bon Dieu nous a épargnés ! Et pourquoi ? Qui à notre époque n’a pas d’intrigues ? Et puis, qu’y faire s’il est si jaloux ! Je comprends qu’il pouvait prêter au soupçon… mais ça durait depuis déjà une année… et quoi… il a provoqué Fédia en supposant qu’il ne se battrait pas parce qu’il est son débiteur. Quelle bassesse ! Quelle lâcheté ! Je sais que vous avez compris Fédia, cher comte, c’est pourquoi je vous aime de toute mon âme. Il y en a peu qui le comprennent. C’est une âme si haute, une âme céleste !

Souvent, Dolokhov lui-même, pendant sa convalescence, disait à Rostov des choses que celui-ci n’eût jamais attendues de lui.

— On me tient pour un méchant homme, je le sais, disait-il ; soit, je ne veux connaître personne, sauf ceux que j’aime, et ceux-là, je les