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sonne ; et que m’a-t-on fait ? » semblait dire son visage charmant, triste et sans vie.

Dans un coin de la chambre quelque chose de petit, de rouge, que tenaient les mains blanches et tremblantes de Marie Bogdanovna, respirait et poussait des cris aigus.




Deux heures plus tard, le prince André entrait à pas lents dans le cabinet de son père. Le vieux savait déjà tout. Il était debout près de la porte, et dès qu’elle s’ouvrit, en silence, de ses mains dures comme des tenailles, il enlaça le cou de son fils et sanglota comme un enfant.




Trois jours après, on chantait les hymnes funèbres sur la petite princesse. Et le prince André, monté sur les marches du catafalque, lui disait adieu. Dans le cercueil, le visage, malgré ses yeux clos, disait encore : « Ah ! que m’avez-vous fait ! »

Et le prince André sentait qu’en son âme quelque chose se brisait, qu’il était coupable d’un malheur irréparable et inoubliable. Il ne pouvait pleurer. Le vieux monta aussi et baisa une des petites mains cireuses, placées haut et immobiles l’une au-dessus de l’autre. À lui aussi le visage disait : « Ah ! pourquoi m’avoir fait cela ! » En apercevant ce visage, le vieux se détourna courroucé.