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mander si Votre Excellence est à la maison, dit le valet de chambre.

Pierre n’avait pas encore décidé que répondre, que la comtesse elle-même, en robe de chambre de soie blanche, brodée d’argent, coiffée simplement (deux énormes nattes entouraient en diadème sa belle tête), entrait dans son cabinet. Elle était calme et majestueuse ; seul son front marmoréen, un peu bombé, était rayé d’un petit pli de colère.

Toujours calme, elle ne prit pas la parole devant le valet. Elle avait connaissance du duel et venait en causer. Elle attendit que le valet eût arrangé le café et fût sorti. Pierre la regardait timidement, à travers ses lunettes, et comme un lièvre entouré de chiens qui, aplatissant les oreilles, reste couché en vue de ses ennemis, il essayait de continuer à lire, mais il sentait que c’était grotesque, impossible, et de nouveau, la regardait timidement.

Elle restait debout, et le regardait avec un sourire de mépris, en attendant que le valet sortit.

— Qu’est-ce encore ? Qu’avez-vous fait, je vous le demande ? prononça-t-elle sévèrement.

— Moi ? Quoi, moi ? — dit Pierre.

— Ah ! on veut se montrer brave ! Eh bien, répondez, que signifie ce duel ? Qu’avez-vous voulu prouver ainsi ? Quoi, je vous le demande ? Pierre se renversait lourdement sur le divan, ouvrait la bouche et ne pouvait répondre.

— Si vous ne répondez pas, alors moi je vous le