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nonçait ces paroles, il sentit que la question de la culpabilité de sa femme, qui le tourmentait aujourd’hui était définitivement résolue dans un sens affirmatif. Il la haïssait et pour toujours se séparait d’elle. Denissov eut beau prier Rostov de ne pas se mêler à cette affaire, Rostov consentit à être un témoin de Dolokhov et après le banquet causa à Nesvitzkï, témoin de Bezoukhov, sur les conditions du duel. Pierre partit chez lui et Rostov, Denissov et Dolokhov restèrent au club tard dans la nuit, à entendre les tziganes et les chanteurs.

— Alors, à demain, à Sokolniki, — dit Dolokhov en prenant congé de Rostov sur le perron du club.

— Es-tu calme ? fit Rostov.

Dolokhov s’arrêta.

— Vois-tu, je t’expliquerai en deux mots tout le secret du duel. Si tu vas au duel et écris ton testament et des lettres tendres aux parents, si tu penses qu’on peut te tuer, tu n’es qu’un sot et ta perte est sûre. Mais si tu marches avec l’intention ferme de le tuer net, alors tout ira bien. Comme disait le chasseur d’ours de Kostroma : comment ne pas avoir peur d’un ours ? mais quand on l’aperçoit toute peur s’envole, on craint seulement qu’il ne se sauve. Eh bien ! mon cher, moi, c’est la même chose. À demain, mon cher !

Le lendemain, à huit heures du matin, Pierre et Nesvitzkï arrivaient au bois de Sokolniki et y trouvaient déjà Dolokhov, Denissov et Rostov.