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tel, à voix basse donnait des ordres aux valets, et, non sans une certaine émotion, il attendait chaque plat qu’il connaissait d’avance. Tout allait bien. Au deuxième plat, l’énorme sterlet, (en l’apercevant Ilia Andréiévitch rougit de joie et de confusion), les garçons commencèrent à faire sauter les bouchons et verser le champagne. Après le poisson, qui fit une forte impression, le comte Ilia Andréiévitch échangea des regards avec les autres directeurs. « Il y aura beaucoup de toasts, il serait temps de commencer », chuchota-t-il ; et la coupe à la main, il se leva. Tous se turent, attendant ce qu’il allait dire.

— « À la santé de l’empereur ! » — cria-t-il. Et ses bons yeux s’emplirent de larmes de joie et d’enthousiasme. À ce moment l’orchestre jouait : « Qu’éclate le tonnerre ». Tous se levèrent et crièrent : Hourra !

Bagration cria hourra de la même voix qu’au champ de Schœngraben. La voix enthousiaste du jeune Rostov était perçue à travers les trois cents voix. Il pleurait presque : « À la santé de l’empereur ! Hourra ! » cria-t-il. D’un trait il vida sa coupe et la jeta à terre. Beaucoup suivirent son exemple.

Longtemps des cris se firent entendre. Quand les voix se turent, les valets ramassèrent les débris des verres, tous se rassirent et échangèrent des regards en souriant à leurs cris. Le comte