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tout à ce polisson de Dolokhov, comme elle l’appelait. — On dit que Pierre est abattu par ce malheur.

— Eh bien, dites-lui quand même qu’il vienne au club. Ce sera toujours une distraction. Ce sera un banquet monstre !

Le lendemain, 3 mars, à deux heures de l’après-midi, deux cent cinquante membres du club anglais et cinquante invités attendaient pour dîner l’hôte d’honneur, le héros de la campagne autrichienne, le prince Bagration.

Au premier moment, après la nouvelle de la bataille d’Austerlitz, tout Moscou avait été étonné. À cette époque les Russes étaient si habitués aux victoires, qu’en apprenant la défaite, les uns, tout simplement, n’y croyaient pas, les autres cherchaient à expliquer cet événement étrange par des causes extraordinaires. Au club anglais, où se réunissait tout ce qui était illustre, on avait des renseignements sûrs et importants, et au mois de décembre, quand arriva la nouvelle, on ne prononça pas un mot sur la guerre et sur la dernière bataille, comme si tous s’étaient entendus pour n’en rien dire. Les personnages qui donnaient le ton aux conversations, par exemple le comte Rostopchine, le prince Iuri Vladimirovitch Dolgorouki, Valouiev, le comte Markov, le prince Viazemski, ne se montraient pas au club, mais se réunissaient dans leurs hôtels, dans leurs cercles intimes ;