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mari de la tante, peint sur cette tabatière.

— C’est probablement Vinesse qui l’a fait, — dit Pierre, nommant un miniaturiste très connu. Il s’inclina sur la table pour prendre la tabatière, tout en écoutant la conversation qui avait lieu devant l’autre table.

Il se leva pour faire un détour, mais la tante lui tendit la tabatière derrière Hélène ; Hélène s’inclina pour laisser la place et se détourna en souriant. Comme à chaque soirée, elle était en robe très décolletée devant et derrière, à la mode de cette époque. Son buste, qui semblait toujours à Pierre être de marbre, était si près de lui, qu’involontairement il distinguait, avec ses yeux myopes, le charme vivant de ses épaules et de son cou, et ils étaient si près de ses lèvres qu’il n’avait qu’à se pencher un peu pour les effleurer. Il sentait la chaleur de son corps, l’odeur de ses parfums, le craquement de son corset à chaque mouvement. Il ne voyait pas sa beauté marmoréenne qui faisait un avec la robe, mais il voyait et sentait toute la séduction de son corps couvert seulement par la robe. Et ayant une fois aperçu cela, il ne pouvait voir autrement, de même qu’on ne peut retourner à l’erreur une fois expliquée.

— « Alors vous ne vous étiez pas aperçu jusqu’ici que je suis belle, semblait lui dire Hélène. Vous ne vous étiez pas aperçu que je suis une femme ? Oui je suis une femme qui peut appartenir